Choix et notes cartographiques
Les bases hélicoptères Eurocopter EC145 de la Sécurité Civile sont ici exclues des moyens aériens de lutte contre les FdF. Il s’agit avant tout d’une flotte dédiée au secours à la personne.
Ainsi, excepté deux départements, l’Indre-et-Loire (37) et le Morbihan (56), la moitié nord de la France ne dispose d’aucune installation aérienne de lutte contre les FdF.
Il est donc apparu inutile de la cartographier.
La fermeture d’une base secondaire ABE SC ne signifie pas la fermeture du pélicandrome associé. Celui-ci reste généralement opérationnel (ex. Marignane/Bastia), seul le détachement d’appareils auparavant assigné à la base considérée est supprimé.
La différence entre pélicandrome « fixe » et pélicandrome dit « mobile » réside dans le fait que ce dernier ne dispose pas d'infrastructures « en dures » permanentes. Le retardant est acheminé via un camion citerne sur demande.
Le choix des armes : avions ou hélicoptères ?
En France, la stratégie de lutte aérienne contre les FdF semble s’organiser à deux échelles : nationale et départementale.
D’un côté, l’Etat a fait le choix d’une flotte exclusivement constituée d’avions : Canadair CL-415, Dash 8-Q400 MR, Tracker S-2FT et Beechcraft 200 Super King Air.
Cependant, depuis l’incendie de Rognac/Vitrolles/Les Pennes-Mirabeau (13, France) du 10 août 2016, il semblerait que le pouvoir central accorde une nouvelle attention aux HBE lourds.
Réquisitionné en raison du caractère exceptionnel du sinistre (2663 hectares ravagés), l’H225LP Super Puma d’Airtelis, filiale d’RTE, semble avoir convaincu.
Dans le cadre de la constitution d’une réserve tactique HBE pour la saison des feux 2017, un contrat a été signé entre la Sécurité Civile et la société spécialisée dans les travaux héliportés.
Néanmoins, et ce malgré une saison 2017 intense, l’hélicoptère n’a été sollicité que deux fois, sans être finalement engagé... En cause, la fragilité même du type de partenariat conclu entre les deux parties. L’opérateur RTE, dans son droit, n’a pas souhaité mettre à disposition son appareil en raison de l’indisponibilité des équipages qualifiés, mobilisés sur d’autres travaux aériens.
Il est donc trop tôt pour parler d’un véritable changement de paradigme.
D’un autre côté, les départements qui favorisent les HBE au détriment des ABE.
Cette préférence pour les hélicoptères s’explique principalement par :
(1) des coûts d’exploitation plus faibles ;
(2) une plus grande flexibilité.
Seul l’Hérault fait exception à la règle. En effet, depuis 2012, le département dispose d’une flotte d’ABEL composée de 1 à 3 Air Tractor AT-802F selon le risque de FdF.
Etude de cas : le modèle Héraultais, une remise en question indispensable.
L’unicité du modèle Héraultais interpelle. Pourquoi, depuis 6 ans, aucune autre circonscription administrative n’a souhaité remplacer ou compléter sa flotte hélicoportée par des avions ?
La réponse n’est pas financière. D’autres départements du Sud de la France tels que les Alpes-Maritimes, le Var ou encore les Bouches-du-Rhône, bénéficiant de moyens plus importants (source : INSEE 2014) mais aussi autant voire plus exposés au risque de FdF (source : Prométhée) ont opté pour l’HBE.
Par ailleurs, les Air Tractor loués par le département sont des versions terrestres et non amphibies (voir : Air Tractor - Fire Boss).
Or, il semble dommage de ne pas utiliser cette option quand on a la chance de bénéficier de points d’eau relativement proches et exploitables (ex. Mer Méditerranée, Lac de Salagou, Etang de Thau, Etang de l’Or). En version amphibie, les monomoteurs d’origine américaine pourraient se présenter comme de véritables « petits Canadair » à coûts réduits.
Ceci dit, la présence de tels avions en configuration « terrestre » peut se justifier, en partie, de façon historique.
Le petit point histoire
Dans les années 1960, nous sommes encore en plein dans la période d' « après-guerre » aussi appelée les « Trente Glorieuses ».
La reconstruction de la nation booste la croissance économique, le pouvoir d’achat s’accroît, on assiste à l’essor de la consommation de masse. Avec l’élévation du niveau de vie, émerge une nouvelle classe moyenne qui découvre alors le plaisir des grandes vacances et des loisirs en tout genre.
C’est dans ce contexte que la façade maritime de l’Hérault se métamorphose. Le littoral inexploité du Languedoc constitue une aubaine pour le développement de la région. Situé sur la route de l’Espagne, il s’agit non seulement de capter de nouveaux flux « traditionnels » mais aussi de freiner la fuite vers les côtes espagnoles de cette classe moyenne lors de la saison estivale.
Ainsi, La Grande Motte, au travers de la Mission interministérielle d'aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon (aussi appelée Mission Racine) est désignée pour devenir une véritable station balnéaire de premier plan.
La démoustication du littoral devient alors un préalable indispensable à l’évolution économique et touristique.
C’est là que cela devient intéressant pour nous !
La société Midair, basée à Candillargues (34, France), qui dispose d’avions d’épandage de type Grumman Ag-Cat et Rockwell S2R Thrush Commander, va s’occuper de cette vaste opération de démoustication.
Par la suite, ce sont ces mêmes appareils qui sont transformés en ABEL d’une capacité d’environ 1200 L, et loués au profit du SDIS 34 jusque dans les années 2000.
En 2012, le contrat entre Midair et le SDIS de l’Hérault arrive à son terme. Si le contrat n’est pas renouvelé entre les deux parties, la tradition historique d’opérer des ABEL dont la fonction première est l’épandage se poursuit.
En effet, la firme espagnole Avialsa, qui a remporté l’appel d’offre, a depuis mis en place les trois Air Tractor AT-802F que nous connaissons.
Ceci dit, cela ne justifie toujours pas le choix de la version terrestre par rapport à la version amphibie, allez-vous me dire.
En fait si ! Si l’on met de côté les performances légèrement moindres de la version à flotteurs (qui selon moi sont plus ou moins compensées par sa plus grande flexibilité d’utilisation et un temps de rotation réduit), il y a fort à parier que la construction d’un pélicandrome, exploité pour le chargement en retardant plutôt qu’en eau, à l’aéroport de Béziers-Cap d'Agde (34, France) a favorisé cette décision.
Inauguré en 2014, soit 2 ans après la mise en place du nouveau dispositif départemental, il est probable que les prémices du projet et les études de faisabilité associées soient antérieures à 2012 !
Autres remarques, sur le plan opérationnel cette fois.
En 2016, je me suis rendu à l’aéroport de Béziers dans l’espoir de voir voler ces appareils qui restent des ABE et donc que j’apprécie ! C’était un 24 août, un temps à feux : fortes températures, indice UV maximum, sécheresse et vent.
Et pourtant, seul l’Air Tractor n°3 décolla aux alentours de 16h00, très certainement pour de la surveillance, aucun incendie n’ayant été signalé.
Or, l’intérêt de la surveillance aérienne, plus communément appelée « GAAR », réalisée principalement par le Tracker et le Dash à l’échelle nationale, est d’être effectuée dès lors que les conditions climatiques sont critiques.
Qui plus est, pour que celle-ci soit efficace, une force de frappe suffisamment importante est nécessaire. Le Dash bénéficie d’une soute de 10 000 L lui permettant de se déplacer seul. Les Tracker, comparables aux Air Tractor en termes de capacité d’emport (3280 L contre 3104 L), se déplacent toujours en binôme.
La raison ? Précisément leur moindre contenance... Sans compter l’efficience avérée de l’ « attaque croisée ».
Certes le constat exposé ci-dessus s’appui sur une seule et unique observation.
Cependant, lors de mes visites successives à la BASC Marignane/BSC Nîmes, pas un seul jour classé « risque sévère » ne s’est soldé par le départ en GAAR d’au moins deux TurboFirecat.
Par ailleurs, lors des incendies ayant nécessité l’engagement de la flotte départementale, les moyens nationaux ont bien souvent dû être appelés en renfort.
Sans mentionner que, lors des périodes à fort risque, un binôme de Tracker est presque systématiquement mobilisé en surveillance au dessus de l’Hérault et de l’Aude.
Cette situation fait penser au célèbre « millefeuille administratif » français : les échelles d’intervention se multiplient et ce pour des missions identiques, compliquant voire altérant in fine les opérations.
Revenons à présent à l’HBE. De quels avantages sur le plan opérationnel bénéficie-t-il vis-à-vis de l’avion ?
L’HBE, un outil essentiel et complémentaire des ABE
L’un des grands atouts de l’hélicoptère est sa maniabilité. Elle lui permet de se rendre à peu près partout et de réaliser des largages de précision.
De ce fait, si les HBE effectuent également de l’attaque directe, ceux-ci sont davantage assignés à l’extinction de reprises localisées et au noyage de points bien précis ou encore au transport de matériels/personnels pompiers (DIH) lorsqu’ils sont mobilisés en parallèle des moyens aériens nationaux.
La capacité d’emport limitée (800 à 1100 L, selon la configuration, pour un Ecureuil AS 350 B3, modèle le plus répandu en France) reste adaptée à la tâche qui leur est confiée.
Il faut également garder en tête qu’un largage depuis HBE, réalisé à plus faible altitude, est moins sensible à l’évaporation et à la conséquence perverse de l’effet de souffle.
Sans compter que la grande souplesse dont il bénéficie (pompage depuis bâches gonflables amovibles/cellules HBE/camions porteurs d’eau/citernes implantées à proximité des zones forestières/points d’eau de taille réduite et peu profonds, atterrissage en milieu accidenté, possibilité de refueling sur zone d’intervention à partir de camions d'avitaillement) permet une cadence de largage élevée.
Enfin, notez que l’acquisition d’HBE ne nécessite pas la présence d’infrastructures aéroportuaires.
En définitive, le choix des Tractor AT-802F au dépens des HBE semble être davantage politico-historique que pragmatique (à l’image de l’annonce faite début février 2018 par Renaud Muselier qui déclarait alors vouloir acheter un Canadair pour la région PACA...).
La présence d’ABE rassure et offre une meilleure visibilité de l’action des pouvoirs publics sans pour autant assurer automatiquement de meilleures performances opérationnelles par rapport aux HBE.
Pourquoi le Dash 8-Q400 MR pour La Réunion...
Des contraintes techniques...
D’une part, le Dash 8-Q400 MR bénéficie d’une endurance accrue.
S’il affiche une autonomie similaire à celle du Canadair CL-415, sa vitesse de croisière est plus de deux fois supérieure. Ainsi, en 3h30, le Dash est capable de parcourir environ 2200 km contre 1070 km pour le Canadair.
Inévitablement, cette différence de rayon d’action se traduit par davantage d’escale ravitaillement pour l’hydravion canadien ; et donc du temps supplémentaire pour rejoindre La Réunion.
Comme indiqué sur la carte, le Dash 8-Q400 MR met approximativement 14 heures pour joindre La Réunion depuis la BSC de Nîmes à vol d’oiseau et sans prendre en compte les escales. Si l’on adopte la même méthode de calcul pour le Canadair CL-415, celui-ci aurait besoin d’environ 29 heures.
D’autre part, le Dash 8-Q400 MR jouit d’une fonctionnalité technologique dont ne dispose pas le Canadair CL-415 : une suite électronique aéronautique associé à un pilote automatique.
En somme, le Canadair est bien moins adapté aux vols de type « commerciaux », notamment lorsqu’il s’agit de vols long-courrier, tandis que le Dash 8-Q400 MR, version dérivée d’un avion de ligne, l’est davantage.
... et opérationnelles
Comme vous le savez, le Canadair CL-415 a la particularité d’être un ABE amphibie. Cependant, il ne peut écoper sur des points d’eau où les vagues dépassent le mètre sans compromettre l’intégrité de sa structure. Inutile de préciser que les vagues qui viennent frapper les côtes de l’île volcanique française dépassent largement cette limite... Ce n’est pas pour rien que la pratique du surf y très répandue ! Ainsi, sans points d’eau intérieurs, impossible d’opérer avec des Canadair.
Par ailleurs, même si cela était possible, rappelons-le : l’action d’un Canadair seul est peu efficace. Et, si l’envoi de 2 Pélican permettrait d’assurer une lutte cohérente, elle resterait toutefois fragile. Il suffirait qu’un des deux appareils vienne à être cloué au sol pour que le dispositif s’en trouve considérablement affecté.
Enfin, j’ajouterais que ces avions sont davantage sujets à des pannes diverses. Or, au vu de l’éloignement avec la métropole, il semble difficile d’envisager de lourdes opérations de maintenance si besoin il y a.
... et les Canadair CL-415 pour nos voisins européens ?
Cette situation s’explique par une certaine « convergence psycho-culturelle et technique » méditerranéenne.
Le Canadair est certainement l’ABE le plus reconnu en Europe : France, Portugal, Espagne, Italie, Croatie, Grèce et Maroc, autant de pays qui utilisent des CL-215 et CL-415.
L’image positive véhiculée par cet avion dans l’opinion publique et politique comme chez les professionnels instaure un climat de confiance qui facilite l’engagement de ces appareils.
Très lié à cette question d’image, le facteur technique entre aussi en jeu. Comme mentionné précédemment, la quasi-totalité des pays du pourtour méditerranéen opère des Canadair. Egalement, la France est le seul pays au monde à utiliser le Dash 8 comme ABE. De fait, il s’avère plus aisé d’organiser la lutte avec des appareils identiques (connaissance mutuelle des capacités et limites de l’avion).
Par ailleurs, la France fait partie des rares pays qui utilisent du retardant. Si l’efficacité de ce produit fourni par des industriels tels que Biogema est incontestable, peu de pays ont les moyens de s’en offrir.
Ainsi, nos voisins européens préfèrent-ils des renforts Canadair travaillant à l’eau comme les leurs.
mENTIONS SPECIALES - REMERCIEMENTS
Bastien GRISON, Philippe BOURNE, Francis ARNOULD, Jean-Romain B., Nicolas S. et Walter D., Sylvain BARRO, Stéphane LUCHINI, Frédéric MARSALY.